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Visiting Scholars : «La mobilité n’est pas optionnelle !»

Mise à jour le :

Saron Catak est professeure au département de Chimie à l’université Bogazici à Istanbul (Turquie). Chimiste et biochimiste computationnelle, elle est reconnue pour son expertise en dynamique moléculaire. Sa mobilité de 10 mois au sein de l’Institut de biochimie et génétique cellulaires (IBGC) dans l’équipe PRIMA (Protein Instability and molecular aging) dirigée par Muriel Priault - dans le cadre du dispositif Visiting Scholars - s'achève en juillet 2024. Retour d'expérience.

Photo : © Catak Saron
© Catak Saron

Comment a commencé cette collaboration avec l’IBGC ? 

Saron Catak : Il y a deux ans, j’ai été contactée par Muriel Priault suite à une de mes publications. Nous nous intéressons au même processus qui est la déamidation et à la même protéine Bcl-xL mais sous un prisme différent. J’utilise les outils informatiques computationnels et son équipe utilise une démarche expérimentale. Ayant une approche atomique et mécanique, je fais des simulations qui tentent de décrire les processus qui mènent aux observations que l’équipe constate dans le laboratoire.

L’objectif premier de cette prise de contact était de construire un consortium réunissant plusieurs équipes de recherche de différents pays européens autour de la problématique de déamidation, pour pouvoir candidater au programme COST (European Cooperation in Science and Technology). Ayant appris l’ouverture du programme Visiting Scholars l’année dernière et nous avons saisi cette opportunité pour pouvoir profiter de mon année sabbatique et jeter des fondations d’une collaboration pérenne. 

Pourquoi étudier la déamidation et notamment la déamidation de Bcl-xL ? 

S. C. : La déamidation est une réaction biochimique qui se produit dans les cellules vivantes de façon spontanée, sans aucune intervention extérieure, et qui perturbe la fonction des protéines. Bcl-xL est une protéine anti-apoptotique, c’est-à-dire qu’elle empêche la mort cellulaire (apoptose). Quand Bcl-xL subit la déamidation, elle perd sa propriété anti-apoptotique ce qui déclenche une série d’événements et mène à la mort de la cellule. Bien entendu la déamidation est continuellement contre-balancée par un mécanisme de réparation naturel. Il s’agit d’un processus évolutif encodé dans nos gènes qui permet aux cellules saines de fonctionner et aux cellules malades d'être éliminées.

Le souci est que les cellules cancéreuses ont trouvé un moyen pour inhiber la déamidation de Bcl-xL et continuer à vivre. Nous essayons de comprendre comment elles arrivent à le faire. La déamidation affecte des centaines d’autres protéines, et selon les cibles, elle est aussi une des causes de l’agrégation de protéines dans le cerveau qui provoque la maladie d’Alzheimer et autres maladies neurodégénératives. Elle est également soupçonnée de jouer un rôle dans le développement de la cataracte. 

Comment s’est déroulé votre séjour ?

S. C. : C’était une année extrêmement enrichissante. En temps normal, je travaille derrière un ordinateur. Pendant ma mobilité j’ai passé du temps au laboratoire avec mon hôte, ses collègues, ses étudiants en Master et ses doctorants pour comprendre leur angle d’approche. De mon côté, j’ai fait des présentations en réunion de groupe sur les outils computationnels, ce qui leur a permis de comprendre notre point de vue. Aujourd'hui, je suis capable de lire des articles dans leur domaine et ils sont capables de lire des articles dans le mien avec une bien meilleure compréhension.

Nous sommes en train de préparer deux publications conjointes en utilisant notre complémentarité. Au début de mon séjour nous avons candidaté au programme COST. Même si notre projet n’a pas été sélectionné cette année, nous sommes très optimistes pour l’année prochaine, après avoir reçu une très bonne note et des commentaires positifs des évaluateurs. Fin mai, nous avons candidaté à un IRN CNRS (International Research Network) incluant cinq autres pays et actuellement nous sommes en train de finaliser la candidature au programme bilatéral entre la Turquie et la France (PHC-Bosphore). Si notre candidature est retenue, nous pourrons financer les mobilités des chercheurs et des étudiants pour trois ans. 

Vous avez également proposé des activités pédagogiques ? 

S. C. : En effet. C’est la partie de ma mobilité que j’ai appréciée le plus. J’ai donné des cours sur la dynamique moléculaire aux étudiants de Master en bio-informatique et biochimie. Cette matière ne fait pas partie de leur programme pour le moment mais elle est incontournable. Les étudiants ont posé beaucoup de questions. Cela leur a permis de comprendre la structure des protéines en plus de leur fonction.  

J’ai également proposé deux workshops grâce au soutien technique du département de bio-informatique. Je leur avais préparé un livret qui leur permettra de mener des simulations de dynamique moléculaire simples en toute autonomie. J’ai donné cinq séminaires sur les sujets différents qui m’ont permis d’atteindre un public de chercheurs très varié, d’avoir des échanges très intéressants et de nouer de nouvelles collaborations.  

Est-ce important pour un chercheur d’être mobile ?

S. C. : Et comment ! La mobilité permet de voir des choses différemment, de comparer, d'apprendre les uns des autres, de faire du réseautage. Cela apporte de la motivation. Pour moi la mobilité n'est pas optionnelle ! D’ailleurs, je suis très reconnaissante à l’université de Bordeaux pour cet accueil. Peu d’universités offrent de telles opportunités !

Le programme Visiting Scholars : professeurs et chercheurs invités

Objectifs : structurer des relations internationales pérennes en recherche et/ou en formation entre l’université de Bordeaux et des institutions à l’étranger ; permettre aux laboratoires et aux départements de recherche, ainsi qu’aux doctorants et aux étudiants de l’université, de bénéficier de la présence d’universitaires ayant une carrière internationale reconnue et/ou une grande expertise. 

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