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Physique et chimie : au cœur des grands défis scientifiques et environnementaux

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De l’infiniment grand à l’infiniment petit, des transitions environnementales aux révolutions quantiques, le département Sciences de la matière et du rayonnement de l'université de Bordeaux conjugue interdisciplinarité, innovation et collaborations internationales. Entretien croisé avec ses directeurs Jean-Baptiste Verlhac, chimiste, et Jérôme Cayssol, physicien.

Photo : Jean-Baptiste Verlhac et Jérôme Cayssol (à droite) qui sont à la tête du département Sciences de la matière et du rayonnement © Gautier Dufau
Jean-Baptiste Verlhac et Jérôme Cayssol (à droite) qui sont à la tête du département Sciences de la matière et du rayonnement © Gautier Dufau

Chat de Schrödinger, neutrinos, quarks, laser, atomes et molécules, étoiles et univers… Autant de concepts complexes à appréhender. Pourtant, ces notions relèvent de deux matières étudiées dès le collège, avec plus ou moins de succès et d’appétence, et réunies dès lors en une entité quasi indissociable : la physique-chimie.
C’est ainsi que le département de recherche de l’université, consacré à ces disciplines, aurait pu simplement s’appeler, concèdent Jean-Baptiste Verlhac, professeur en chimie à l’Institut des sciences moléculaires (ISM)1 et Jérôme Cayssol, professeur en physique au Laboratoire ondes et matière d’Aquitaine (LOMA)2. Respectivement directeur et directeur adjoint de ce département qui regroupe 11 unités de recherche et une communauté de plus de 800 personnes. Sciences de la matière et du rayonnement lui a été préféré. « La physique, c’est l’étude des phénomènes naturels de manière générale alors que la chimie se consacre à celle de la matière, de ses transformations et de ses interactions entre constituants » définit le directeur de département. « Les deux grands thèmes du département sont au final la matière et la lumière, d’où son nom, continue de son côté Jérôme Cayssol. La matière et lumière sont bien sûr fortement couplées. » La lumière joue un rôle clé pour sonder la matière : c’est le principe de la spectroscopie, et certains matériaux permettent de manipuler et façonner la lumière.

Au croisement de la matière et de la lumière

Grâce à des lasers très puissants produisant une lumière dite "extrême", il est même possible d’explorer des états dits exotiques de la matière. En biologie, la lumière trouve aussi des applications, notamment en microscopie pour observer le vivant. Les physiciens et les chimistes ont repoussé les limites en termes de dimensions. Ils explorent à la fois les structures très grandes de l’univers et celles, bien plus petites, à l’échelle de l’atome, voire subatomique, c’est-à-dire les particules qui composent l’atome ou interagissent avec lui.
« Je suis toujours impressionné par la façon dont on peut manipuler la lumière pour aller sonder des objets chiraux moléculaires, c’est-à-dire des structures qui existent sous deux formes en miroir l'une de l'autre, comme nos mains droite et gauche, et qui jouent un rôle clé dans des domaines aussi variés que la chimie, les matériaux mais aussi la biologie » explique Jean-Baptiste Verlhac qui ne manque pas de souligner le caractère « par essence interdisciplinaire » de son département. « Il entretient de nombreuses interactions avec d’autres départements de recherche de l’université, notamment Sciences et technologies pour la santé et Sciences biologiques et médicales, qui se concentrent sur les sciences de la vie, ainsi que Sciences de l’ingénierie et du numérique. La montée en puissance de l’intelligence artificielle intéresse les scientifiques de notre département, qu’il s’agisse d’applications en astrophysique, de traitement des données, ou encore de chimie des matériaux et des procédés. »

Transitions environnementales : une contribution essentielle

Autre avancée notable sur laquelle travaillent les scientifiques : le domaine quantique. Il s’agit d’une branche de la physique qui étudie le comportement des particules à des échelles infiniment petites, comme les atomes et les particules subatomiques. « Dans les années 30, la première révolution quantique a permis d’expliquer la structure de la matière et a eu comme applications notables les transistors et les lasers, précise Jérôme Cayssol. Aujourd’hui, on est dans la deuxième révolution avec une montée du quantique au niveau national et mondial et on a des équipes qui travaillent sur la théorie mais aussi sur des parties plus expérimentales ». Cette révolution s’appuie sur des propriétés quantiques - comme la superposition et l’intrication - et vise à mettre au point des technologies innovantes telles que l’ordinateur quantique, les communications quantiques ou encore des détecteurs ultra-sensibles.


Les transitions environnementales sont également un domaine qui influence les recherches du département depuis une dizaine d’années. « On pourrait penser que nous ne sommes pas présents sur ces thématiques, indique Jean-Baptiste Verlhac mais au contraire, c’est assez prégnant aujourd’hui. Il y a, au sein du département, un grand programme de recherche Matériaux post-pétrole (PPM) qui y est consacré, une équipe qui travaille sur l’analyse du cycle de vie pour évaluer l’empreinte environnementale de nouveaux procédés et matériaux. » Physique et chimie souffrent parfois d’une image négative auprès du grand public, concèdent les deux enseignants-chercheurs. Le terme "chimique" est souvent associé à ce qui est "non naturel", et la question du nucléaire reste sensible. Ils déplorent aussi une désaffection pour des études dans ces disciplines, pas seulement due à la concurrence des écoles d’ingénieurs. Pourtant, ces sciences jouent un rôle clé dans la résolution des enjeux environnementaux, expliquent-ils. Qu’il s’agisse de développer des procédés moins énergivores, d’améliorer le recyclage des matériaux, de créer de nouveaux matériaux biosourcés permettant d’éviter l’utilisation de ressources fossiles, de découvrir de nouvelles sources d’énergie (telle que la fusion nucléaire ou le photovoltaïque par exemple) d’optimiser le stockage de celles-ci (batteries, hydrogène, supercondensateurs), elles ouvrent la voie à des solutions durables et porteuses d’innovation.

De l’innovation à la big science

Le dynamisme du département s’illustre également dans ce domaine : transfert et valorisation. Plusieurs unités se distinguent par le dépôt de nombreux brevets et la création de start-ups, valorisant des technologies de pointe issues de leurs recherches, que ce soit en imagerie du vivant, en vectorisation (pour délivrer des substances comme un médicament à une cible spécifique dans l’organisme). Des unités sont même en cotutelles avec des entreprises telles que Safran ou Syensqo.

Parallèlement, d'autres équipes renforcent leur rayonnement à l'international en s’impliquant dans des collaborations de big science. « Ce sont des projets d’envergure mondiale, que des institutions ou des pays seuls ne pourraient pas financer, tels que les détecteurs de neutrinos, les accélérateurs de particules, les télescopes et satellites d’observation… » détaille Jérôme Cayssol. Dans les laboratoires, des dispositifs sont entièrement conçus, qu’il s’agisse de composants pour sondes ou satellites, de caméras, ou encore d’équipements destinés aux grands instruments scientifiques. C’est un aspect qui confère un caractère unique au site universitaire bordelais, continue-t-il.
Ces nombreux aspects, combinant interdisciplinarité, innovation technologique et ouverture internationale, reflètent le dynamisme du département Sciences de la matière et du rayonnement. Ce dernier pilote deux Grands programmes de recherche (GPR) de l’université : PPM, déjà mentionné, et LIGHT, consacré à l’étude de la lumière sous toutes ses formes. Il porte également deux Réseaux de Recherche Impulsion (RRI) : Origins, qui explore l’origine de la vie et l’évolution des climats terrestres, et Frontiers of Life, axé sur des défis ambitieux comme la création de cellules artificielles à un horizon de 20 à 30 ans. Ces recherches soulignent combien la physique et la chimie demeurent au cœur des grands enjeux contemporains.

1unité Bordeaux INP, CNRS et université de Bordeaux
2unité CNRS et université de Bordeaux

Contacts

  • Delphine Charles

    Chargée de communication scientifique

    delphine.charles%40u-bordeaux.fr

  • Daniel da Rocha

    Chargée d'animation scientifique du département SMR

    daniel.da-rocha%40u-bordeaux.fr

  • Sciences de la matière et du rayonnement (SMR)

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