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Mise à jour le : 24/05/2022
Référent du jardin partagé La Fourmilière, à Talence, Thibault Audouit est étudiant en 2e année du Master technologie, cognition, ergonomie et handicap à l’université de Bordeaux.
Né à Nantes, Thibault déménage régulièrement au gré des mutations de ses parents. Arrivé en 2008 en Gironde, il obtient son bac S option Sciences de la Vie et de la Terre en 2010. Passionné de neurosciences, il préfère opter pour des études de médecine, plutôt qu’une licence de biologie, avant de changer de voie pour l’informatique. Trois années d’école lui permettent de découvrir toute la palette des métiers de l’informatique, mais pour Thibault il est encore trop tôt pour choisir une spécialité. En quête de sens, il n’a pas encore trouvé sa voie.
Il décide de s’inscrire en licence MIASHS, à l’université de Bordeaux, une formation pluridisciplinaire (mathématiques, informatique et sciences humaines) qui donne les bases scientifiques indispensables à la démarche de modélisation : comment représenter les phénomènes réels afin de mieux les comprendre, les expliquer et les prévoir. Il choisit le parcours en sciences cognitives, faisant le lien entre l’étude du fonctionnement du cerveau (neurobiologie, psychologie, linguistique, philosophie) et l’informatique, les statistiques et les sciences computationnelles.
Il s’intéresse, plus tard, à l’ergonomie, cette discipline qui replace le facteur humain - si important à ses yeux - au centre de l’étude des conditions de travail, et ce dans une approche systémique. Cette approche, alignée avec ses valeurs, oriente sa poursuite d’études dans l’accompagnement de personnes en situation de handicap cognitif, à l’aide d’outils numériques. Il s’intéresse notamment à la maladie d’Alzheimer et aux troubles schizophréniques, dont les conséquences de la maladie peuvent être amoindries par une meilleure prise en charge des patients, des aidants, de leur écosystème.
A la lumière de l’approche systémique, Thibault prend peu à peu conscience de l’étroite dépendance de la cognition humaine avec l’ensemble du vivant. Les bactéries et autres micro-organismes avec lesquels l’être humain vit en symbiose, influent sur sa manière de penser, ses humeurs et sa santé.
C’est grâce aux conférences de l’association étudiante l’Astragale et la Fourmi, sur le microbiote, la domestication des espèces animales et végétales, que Thibault se rend compte à quel point ces liens inter espèces sont étroits, que la biodiversité, les sols, sont un patrimoine inestimable et pourtant plus que jamais menacés. Même en France, la souveraineté alimentaire semble en péril.
Curieux d’en savoir plus, Thibault creuse le sujet et prend alors conscience de la menace qui pèse sur l’ensemble du Vivant. Érosion des sols, détérioration des écosystèmes, effondrement de la biodiversité, dérèglement climatique, épuisement des agriculteurs et des ressources dont ils dépendent… C’est la claque.
« J’ai ressenti l’urgence... Impossible de faire comme si de rien n’était! »
Pour combattre l’éco-anxiété qui s’installe, il décide d’agir. Il se renseigne sur la conservation des sols, l’agriculture raisonnée, les liens entre les espèces, les moyens de lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement du vivant… Il trouve de l’inspiration en des personnes créatrices de jardins nourriciers, y compris en plein centre-ville.
Lors d’une conférence de l’Astragale et la Fourmi, il rencontre Yann Guinet, alors étudiant en Master biodiversité, écologie et évolution et responsable du jardin partagé de l’association, La Fourmilière. Situé sur le Domaine du Haut-Carré, à Talence, ce jardin partagé existe depuis 2013. Yann souhaitait passer la main après s’y être beaucoup investi. Inspiré par son engagement, Thibault Audouit se lance en 2021 et prend des responsabilités au jardin en tant qu’étudiant référent.
Thibault est alors en 2e année de Master sciences cognitives et ergonomie, toujours à l’UF mathématiques et interactions. « J’ai de la chance d’avoir des professeurs très indulgents sur mon besoin de m’investir dans des activités associatives pour les transitions environnementales et sociétales. Sans doute parce que l’université elle-même est engagée dans ce sens, ils me soutiennent et me permettent d’adapter mon emploi du temps. » confie-t-il.
Le jeune homme peut également compter sur l’aide de Christian Belio, le référent des riverains qui ont rejoint le jardin. Ergothérapeute aujourd’hui à la retraite, Christian est docteur en sciences cognitives et a suivi le même Master que Thibault. Ensemble, ils souhaitent donner un nouveau souffle au jardin, en sortie de crise sanitaire.
Le duo se forme au compostage, à l’agroécologie, aux principes de la permaculture… dans la perspective de les transmettre aux étudiants, sous forme d’ateliers ou de chantiers participatifs. Une nouvelle dynamique est lancée.
Notre vision se décline en 3 axes. Le premier est l’axe « alimentaire » : apprendre les techniques permacoles permettant aux étudiants et autres jardiniers de commencer à reprendre la main (modestement) sur la production de leur propre nourriture. Le deuxième est l’axe « solidarité » : cultiver le lien social et notamment les liens intergénérationnels - les jardiniers sont composés d’étudiants, de familles avec enfants et de retraités. Le troisième axe, « biodiversité », vise à préserver la richesse insoupçonnée de l’université de Bordeaux et faire du jardin un véritable refuge pour la faune et la flore bordelaise.
« Nous souhaitons utiliser intelligemment ce bel écosystème qu’est le jardin, et notre environnement au sens large, sans excès. Notre premier défi est une gestion raisonnée de l’eau. Plutôt que d’utiliser l’eau potable du campus, nous souhaitons installer - et fabriquer - un système de collecte d’eau de pluie. Les compétences diverses des étudiants seront les bienvenues pour mettre cela en place ! »
Un autre défi est l’apport de matière organique, d’engrais naturel et local pour nourrir le sol. « Pour le compost, la récupération des déchets alimentaires du CROUS et des résidences étudiantes est une formidable opportunité » explique Thibault, enthousiaste.
Entre deux visites au jardin (pioche ou grelinette à la main), Thibault réalise son stage au sein de l’équipe Potioc (Inria - université de Bordeaux - CNRS). ll développe un ambitieux atelier d’apprentissage collaboratif permettant de mixer outils physiques et numériques, pour aborder des sujets qui nécessitent une approche systémique afin de comprendre les rouages entre différents concepts.
La Fresque du climat en est le parfait exemple, mais l’outil physique a des limites. Une version augmentée de celle-ci, multimodale, faciliterait la compréhension du sujet. Elle permettrait de modéliser grossièrement un système Terre incluant les données du GIEC, d’y introduire les solutions, d’observer les réactions du système afin d’identifier rapidement les leviers d’actions les plus impactantes.
« Ce que nous apprend le dernier rapport du GIEC, c'est que le temps de la transition douce est révolu. Il est urgent de saisir chaque opportunité d'atténuer ou de s'adapter au dérèglement climatique. La bonne nouvelle c'est qu'on a tout à y gagner. Les conséquences de l'inaction seront plus chères à payer que les efforts à court terme pour les éviter. »
Thibault Audouit a réussi à concilier ses convictions avec son parcours professionnel, via ses études, et ses engagements personnels, via le jardin de la Fourmilière. A son tour de devenir une inspiration pour la nouvelle génération d’étudiants de l’université de Bordeaux, à n’en pas douter !
Le jardin partagé de la Fourmilière propose la location de parcelles « individuelles » ou chacun peut faire pousser ses légumes, réaliser ses expérimentations. Mais un jardin partagé, c’est aussi des projets communs. Une haie fruitière vient par exemple d’être plantée. D’autres chantiers participatifs sont sur les rails : jardin en trou de serrure, cultures en lasagne et sur buttes, réaménagement de la mare aux tritons, culture de plantes médicinales… De quoi se retrousser les manches ! C’est le souhait de Thibault : partager des connaissances, de la convivialité, permettre aux étudiants de retrouver de l’autonomie alimentaire, et aussi, de créer d’autres jardins sur d’autres campus.
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