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Mise à jour le : 11/03/2024
Milia Molinié assure depuis six mois la coordination de la cellule d'écoute, de veille et de signalement de l'université de Bordeaux qui recueille les témoignages étudiants de violences, harcèlement ou discriminations.
Milia Molinié dit souvent « on » pour parler de ses fonctions à l’université de Bordeaux, où elle a été recrutée il y a six mois comme chargée de projet responsabilité sociétale. Un signe évident de modestie, mais aussi la preuve de son sentiment d’appartenance à une équipe soudée autour de la lutte contre les violences, le harcèlement et les discriminations au sein de l’institution. La jeune femme coordonne la cellule d'écoute, de veille et de signalement destinée aux étudiantes et aux étudiants - le dispositif dédié aux personnels (enseignants-chercheurs et administratifs) incombe, quant à lui, à une autre équipe. Ce dispositif n’est « pas une cellule d’urgence, explique-t-elle en préambule, même si l’engagement est bien de traiter les signalements le plus rapidement possible. Le contact se fait par mail ou via un formulaire disponible sur le site de l'université ; je réceptionne les messages et les traite au cas par cas, avec l'équipe, pour orienter les victimes ou témoins d’actes et de propos qui n’ont pas leur place à l’université. »
En 2023, cette cellule a reçu 39 signalements. 80% d’entre eux émanaient de femmes, 75% avaient pour déclencheur des faits de harcèlement ou de violences sexistes et sexuelles, les autres cas étant liés à d’autres types de violences ou à une situation de discrimination, dont les motifs peuvent être multiples : « la loi en recense 26 ». Soumise au secret professionnel, garante de l’anonymat des signalements qui lui parviennent, Milia n’entre guère dans les détails. Tout au plus constate-t-elle que « la parole s’est considérablement libérée, on sent qu’une vraie confiance s’est établie vis-à-vis de cette cellule dont le fonctionnement a beaucoup évolué depuis sa création en 2015. Même s’il s’agit d’une cellule institutionnelle, nous sommes désormais bien identifiés comme des interlocutrices et interlocuteurs de référence pour ce genre de problème. »
Devant chacun de ces signalements, la cellule aiguille les étudiantes et les étudiants vers une psychologue et/ou une médiatrice, selon la situation. « L’université a fait le choix, il y a quelques mois, de travailler avec une psychologue externe. Auparavant, la prise en charge était assurée par des personnels de l’université, mais on a constaté qu’il y avait davantage de risques d’autocensure », souligne Milia. La psychologue mène systématiquement deux entretiens avec le témoin ou la victime présumés. Elle recueille son récit, aide à distinguer les éventuelles preuves, et rédige un compte-rendu qu’elle communique à Milia. « Puis, si la victime souhaite lever l’anonymat pour engager des suites - et rien ne l’y oblige, bien sûr -, le cas est confié à la Direction des affaires juridiques de l’université qui étudie les procédures adaptées en fonction de la qualification des faits. »
D’autres cas relèvent davantage de la médiatrice de l’université, Élisabeth Speletta. « Elle peut se pencher, par exemple, sur une remarque sexiste prononcée par un enseignant dans un amphi, ou sur une situation de discrimination subie par un étudiant sur son lieu de stage. La plupart des cas se résolvent, heureusement, par le dialogue. » Le cas échéant, un suivi psychologique prolongé peut également être proposé à une victime, assuré par l’Espace Santé Étudiants. Milia accorde la plus grande attention à tous les messages qui lui parviennent, quel que soit le degré de gravité des faits qu’ils relatent, quelle que soit la « zone grise » dont ils relèvent et qui rend parfois leur qualification délicate. « S’il y a une démarche de signalement, il y a forcément un mal-être. On ne laisse personne de côté, on cherche à chaque fois la réponse la plus adaptée. »
Interrogée sur l’origine de son engagement en la matière, l’ancienne étudiante de Sciences Po Bordeaux a du mal à en trouver la source. C’est sa curiosité naturelle qui l’a dirigée, il y a quelques années, vers un Master coopération et développement, puis une spécialisation dans le Droit de l’environnement. Des stages au sein d’associations et un premier emploi dans une collectivité l’ont amenée, ensuite, dans le giron de l’université, un cadre où elle a le sentiment de pouvoir évoluer en accord avec ses convictions. « C’est sans doute générationnel, autour de moi, beaucoup de mes amis travaillent dans le milieu associatif, dans l’économie sociale et solidaire. Ce n’est pas une question de “politiquement correct”, comme s’en plaignent certains observateurs de l’époque actuelle, mais une volonté d’intégrer la sensibilité de tout le monde, pour vivre mieux. » Récemment, Milia a rencontré ses homologues investis de la même mission au sein d’autres établissements d’enseignement supérieur des campus bordelais. « C’était intéressant, car on a tous la même problématique mais des modes de fonctionnement différents, et personne n’a intérêt à faire de la rétention d’informations. D’autant qu’on peut mutualiser certaines choses, comme par exemple des séminaires de formation, et s’inspirer des bonnes pratiques des uns et des autres. »
Calme et souriante, la jeune femme semble avoir trouvé sans difficulté la bonne posture pour affronter cette mission délicate, qui pourrait en bouleverser plus d’un(e). « Il faut savoir écouter, communiquer, prendre du recul. En tout cas, même si aucune de mes journées ne ressemble à l’autre, je ne vais pas du tout travailler la boule au ventre. Je tâche de garder la bonne distance, et je me sens utile. » Les fonctions de Milia, rattachée à la Direction de la vie universitaire, ne se limitent pas à la cellule d’écoute, de veille et de signalement. En ce mois de mars 2024, elle est très accaparée par l’organisation du Mois de l’inclusivité, une première au sein de l’université : des rendez-vous, tables rondes, conférences et happenings artistiques imaginés par la communauté universitaire sous le portage de Yamina Meziani, chargée de mission Parité, Égalité, Diversité.
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« Le mois de mars est toujours très chargé à l’université, rappelle Milia, car c’est le moment de l’année où la communauté étudiante est le plus disponible, donc plein d’événements doivent coexister, les collègues et les associations étudiantes sont très occupés, mais il y a eu une mobilisation très forte pour parler de ces enjeux d’égalité, de parité, de diversité. » L’ambition consiste à porter le message de l’inclusivité sur tous les campus, auprès d’un public le plus large possible. Milia coordonne l’opérationnalité de l’événement et toutes les initiatives qui ont émergé ces derniers mois - un vrai casse-tête en termes d’organisation mais l’aboutissement réjouissant d’un engagement largement partagé au sein des différentes communautés universitaires. « Derrière les moments de crise de ces dernières années, on voit que l’enseignement supérieur se saisit désormais de ces questions avec volonté, et la vie sur les campus va s’en trouver profondément améliorée. »
Ce n’est pas une question de «politiquement correct», comme s’en plaignent certains observateurs de l’époque actuelle, mais une volonté d’intégrer la sensibilité de tout le monde, pour vivre mieux.
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