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Mise à jour le : 08/04/2024
Le Conseil des transitions environnementales et sociétales est une instance statutaire de l’université qui accompagne la mise en œuvre de la politique de l’établissement sur ces questions. Il est présidé depuis l’an dernier par Cristina Tébar Less, une experte en droit international et droit de l’environnement.
Elle ne connaissait pas le monde de l’enseignement supérieur français, elle qui a fait ses études de droit en Espagne et en Allemagne, avant de se former au développement durable et à la gestion de l'environnement en Australie. Et c’est probablement ce qui rend son regard si intéressant – un regard bleu vif, aussi acéré que bienveillant. Cristina Tébar Less a été nommée en 2023 présidente du Conseil des transitions de l’université de Bordeaux pour un mandat de deux ans. Le rôle de cette instance statutaire : analyser la politique de l’établissement en matière de transitions environnementales et sociétales, veiller à sa mise en œuvre concrète, donner des avis pour l’améliorer. Son document de référence : la Feuille de route des transitions, un ensemble de 24 engagements pris en 2020 par l’université, en attendant un document bien plus complet, solide et détaillé, le Schéma directeur des transitions, qui sera adopté d’ici la fin de l’année 2024.
Le Conseil des transitions est constitué de trente membres de la communauté universitaire, et autant de suppléants, tous bénévoles, comme l’est également Cristina. Son riche parcours professionnel l’a menée du Parlement européen à l’OCDE (l'Organisation de coopération et de développement économiques) en passant par des cabinets d’avocats en Espagne, dont elle est originaire comme le trahit son accent. « Je me suis toujours sentie ambassadrice, porte-parole, protectrice de l’environnement auprès d'acteurs qui ne s’estimaient pas suffisamment concernés par ces enjeux : banquiers, investisseurs, représentants des entreprises, du commerce international. C’était difficile, mais là que je me considérais le plus utile. » Son travail au sein de l’OCDE est passionnant : elle y organise des réunions avec les représentants de 50 pays pour instaurer des standards en matière de conduite responsable des entreprises. Au contact des gouvernements, des ONG, des acteurs du monde économique, Cristina et son équipe œuvrent dans les coulisses de décisions majeures, à la croisée du social et de l’écologie.
La fin de sa carrière à l’OCDE est douloureuse. À la tête d’une équipe de 35 personnes, elle se heurte au « plafond de verre », remplacée sans ménagement - sans aucun grief à son encontre et sans aucune explication - à l’occasion d’une reconfiguration de son service. Elle n’entre pas davantage dans les détails, mais on comprend que cette éviction injuste et violente l’a profondément bouleversée. Son récit, à la fois pudique et puissant, en dit long sur la complexité des organisations internationales, le secret qui les entoure, le flou juridique qui les encadre. Il résonne aussi d’une manière ironique au regard de ses missions pendant de longues années. Mais Cristina a désormais rebondi et mis sa précieuse expertise au service de l’université de Bordeaux, qui peut compter sur sa sagacité et sa disponibilité, même si elle est également engagée ailleurs, dans l’association Women for Sea et dans son propre projet d’agriculture régénérative et de restauration de la biodiversité en Espagne.
Son expérience se ressent lors des réunions du Conseil des transitions, trois fois par an. D’une voix posée, elle rappelle l’ordre du jour, qu’elle a préalablement transmis aux membres du Conseil, distribue sereinement la parole, apporte avec rigueur les précisions requises, pose elle-même des questions dont la candeur permet à la communauté universitaire de mieux s’interroger sur ses pratiques et de se repenser.
Son regard extérieur se tourne volontiers vers d’autres universités, en France et dans le monde, pour y puiser de bonnes idées ou mesurer le chemin déjà parcouru par celle de Bordeaux en matière de transitions. Cristina est pragmatique, elle a aidé le Conseil à former six groupes de travail auxquels elle a donné des jalons pour qu’ils rendent des avis, « courts et précis, critiques mais constructifs », d’ici la fin du mandat l’an prochain. Les trois premiers se pencheront sur la biodiversité des campus, l’impact du numérique, et le bien-être à l’étude et au travail ; les trois autres étudieront la mobilité bas carbone, l’intégration des enjeux de transition dans la formation des étudiants et dans la recherche.
Son pragmatisme affleure également dans sa vision du processus de transition et le rôle que doivent y jouer les « think tanks » – elle peine à trouver une traduction satisfaisante. « Le travail des “penseurs”, des groupes de réflexion, consiste à nourrir les décideurs ; il ne faut pas que ces derniers puissent se retrancher derrière l’excuse du manque de données, du manque de connaissance pour justifier leur inaction. » Au sein de l’université, au fonctionnement farouchement démocratique, où les choix sont co-construits dans le respect de la diversité des opinions, elle mesure que parfois « le simple fait de poser des questions, de remonter les chaînes de décisions, secoue un peu le cocotier ! » Déterminée, Cristina n’est pas prête à accepter certaines excuses qu’elle a entendues par le passé dans le monde de l’entreprise – « c’est pas nous, c’est notre fournisseur ; on n’a pas les moyens de… ». Elle sait à quel point il est difficile de changer les habitudes. Mais n’a pas de doute sur le fait que c’est possible, « si l’on convainc les décideurs ».
Ses enfants, vingtenaires, étudiants (ailleurs qu’à Bordeaux), alimentent sa réflexion sur les attentes et les angoisses de la nouvelle génération, avec leur défiance vis-à-vis de la société de surconsommation, leur quête de sobriété et leur espoir de se former à un travail qui ait du sens. Son fils lui a raconté la colère qu’il a éprouvée lors de sa première semaine en école d’ingénieur, largement consacrée au changement climatique et aux questions environnementales : « Un professeur a dit aux étudiants : “vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez, de pouvoir innover, changer les choses, sauver le monde…”, croyant sans doute les motiver ; mon fils a trouvé ce discours honteux : “on nous laisse un monde pourri et on devrait se réjouir d’avoir pour mission de le réparer !” Cela m’a beaucoup marquée ; je mesure le poids énorme de la responsabilité du monde universitaire envers les jeunes. »
Au sein du Conseil des transitions, où siègent également des étudiants, Cristina a suggéré que certains soient rémunérés pour assister les groupes de travail, prendre des notes, contribuer à la rédaction des avis, et elle se réjouit de l’avoir obtenu pour alléger la charge de travail des membres du Conseil. Elle tient à souligner l’implication de celles et ceux « qui prennent du temps pour cette mission, en plus de leur travail ou de leurs études ». Elle souhaite que le Conseil travaille dans un esprit de coopération et de transparence, et constate sa liberté d’action, facilitée par l’Institut des transitions et le vice-président en charge de ces questions, qui lui fournissent la documentation et les contacts nécessaires au travail d’enquête et d’évaluation. L’université de Bordeaux lui semble sincère dans sa volonté de mieux faire, malgré les obstacles liés à son envergure – 52.000 étudiants, 6000 personnels, 300 bâtiments, une vingtaine de sites, certains éloignés de Bordeaux - et la complexité de l’organisation qui en découle. Elle espère, modestement, se rendre utile dans cet univers où elle « débarque » et qui lui fait confiance pour obtenir un avis éclairé sur ses pratiques. Le travail est en cours, mené avec la force tranquille d’une experte, consciencieuse et motivée.
Présidente du Conseil des transitions
cristina.tebar-less%40u-bordeaux.fr