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Mise à jour le : 20/12/2024
La renaturation des villes est devenue un sujet central face aux défis écologiques contemporains. Lors du Rencard du savoir organisé le 5 décembre au Pôle de vie campus Carreire, François Durquety, chef du projet « 1 million d’arbres » à Bordeaux Métropole, Emmanuelle Bonneau, maîtresse de conférences en aménagement à l’université Bordeaux Montaigne, et Bastien Castagneyrol, chercheur en écologie à l’INRAE ont échangé sur la place des arbres en milieu urbain, leur rôle et les obstacles liés à leur implantation.
Face aux canicules récurrentes, Bordeaux Métropole a pris une décision forte en 2021 : planter un million d'arbres en dix ans et ainsi accroître de 20% le patrimoine existant.
Pour François Durquety, cette ambition est claire : « L’arbre est le dispositif de rafraîchissement des villes le plus efficace et naturel. En plein été, sur l'esplanade des Quinconces à Bordeaux, on a pu observer des températures jusqu’à 10°C plus basses sous les arbres qu'au milieu de la place. Ils répondent donc aussi à des enjeux de santé publique et comportent une dimension esthétique non négligeable ».
Aussi la métropole, vaste de 58 000 hectares, doit-elle faire face à une répartition inégale du patrimoine arboré entre espaces urbains et périphériques. Comme elle ne maîtrise qu'un tiers du foncier, l'essentiel de son travail consiste à motiver la participation des collectivités (métropole et communes), des particuliers et des bailleurs sociaux
À ce jour, plus de 500 000 arbres ont déjà été plantés (avec un taux de perte de 15% environ) selon une stratégie déployée en quatre axes qui vont de la maîtrise d'ouvrage métropolitaine à la mobilisation des acteurs en passant par la formation de l'ensemble des corps de métiers (ingénieurs de la métropole, comme l'ensemble des pépiniéristes, entreprise ou autre) et par le travail avec un large ensemble de partenaires (pépiniéristes, paysagistes et entreprises du paysage).
Mais la plantation ne se limite pas à ce chiffre symbolique. Comme le souligne François Durquety, « Le plus complexe et le plus cher, ce ne sont pas les arbres et leur plantation, mais les travaux publics pour casser le bitume et déplacer les réseaux. Il est aussi important de proposer une vision cohérente du territoire ». La métropole travaille notamment avec le CEREMA à la création d'une application appelée Sésame, qui aidera à choisir les espèces à planter – selon le lieu, le sol, le type de végétation recherché, etc.
Pour Emmanuelle Bonneau, les arbres doivent être pensés comme des éléments structurants de la ville : « Planter des arbres, c’est donner du sens à la ville. Une rue végétalisée encourage la marche, favorise la santé publique et offre des repères urbains. » Elle mentionne également la règle des 3-30-300 appliquée à Nantes : 3 arbres visibles depuis chaque fenêtre, 30 % de canopée et un espace vert à moins de 300 mètres.
Si les arbres embellissent la ville et favorisent la biodiversité, leur implantation en milieu urbain pose des questions complexes. Bastien Castagneyrol rappelle par exemple que planter des espèces locales en ville est parfois inefficace : « Le changement climatique impose d’adapter nos choix. Les espèces exotiques, souvent plus résistantes, soulèvent toutefois un dilemme : elles soutiennent moins la biodiversité locale. »
La solution ? Favoriser la diversité des espèces tout en raisonnant par contexte. Bastien plaide pour une approche documentée et collective : « Il faut dialoguer entre écologues, urbanistes et citoyens pour trouver le juste équilibre. »
Cette nécessité de consulter les habitants est d'autant plus importante que la cohabitation entre l’arbre et l’environnement urbain n'est pas toujours évidente. Les racines qui dégradent les voiries, ou les feuilles qui bouchent les égouts, ou toute sortes de coûts d’entretien sont autant d’inconvénients qui suscitent des tensions. « Plutôt que décider où planter des arbres, il est essentiel d’écouter ce dont les gens ont besoin pour mieux vivre », insiste Bastien Castagneyrol en citant l'exemple de quartiers au Québec où la stratégie de végétalisation a été définie collectivement.
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De fait, la réussite de la renaturation en ville repose grandement sur l’implication des citoyens. Le projet Passeur d’arbre, porté par Bordeaux Métropole, sera ainsi bientôt lancé afin de surveiller la santé des arbres avec l'aide d'habitants formés spécifiquement pour cela. « Puisque la majorité des arbres se trouve sur des terrains privés, il est essentiel que les particuliers s’impliquent dans leur entretien », explique Bastien Castagneyrol, rappelant que les villes sont les principaux points d'entrée des espèces exotiques envahissantes, notamment des insectes ravageurs qui, une fois installés, se répandent aussi dans les autres milieux, et notamment les forêts. Comme indiqué par François Durquety, ces référents seront invités dans les conseils de quartier pour donner leur avis sur les projets d’aménagement : « L’idée, c’est de créer une véritable communauté qui s’empare de ce sujet vital. »
Si planter un million d’arbres est une ambition forte, Emmanuelle Bonneau appelle toutefois à voir plus loin : « On reste dans une politique des petits pas. L’objectif est d’atteindre une infrastructure métropolitaine structurante, comparable à celle du tramway. » Pour elle, l’enjeu est de relier les échelles locales et écologiques dans une stratégie d’ensemble. Comme le résume Bastien Castagneyrol : « Planter des arbres, c’est une première étape. Ce qui compte, c’est de penser la nature en ville comme un projet collectif, durable et adapté. »
Découvrez la vidéo réalisée par l'artiste Olivier Crouzel au sein de la forêt expérimentale de l'université de Bordeaux.