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[Podcast] La protection des mineurs : un sujet majeur

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La protection des mineurs est une question de société essentielle, hélas trop souvent passée sous les radars de l'actualité. Lors d’une rencontre-débat qui s'est tenue le 27 novembre 2024 à la Librairie Georges, à Talence, trois expertes issues de disciplines complémentaires ont dressé un panorama des enjeux et répondu aux nombreuses questions du public.

Photo :  ©Adobestock photobyphotoboy
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Un continuum de situations de maltraitance

La jeune docteure en droit Amira Maameri-Ulisse, spécialiste de la participation du mineur à sa propre protection, a commencé par rappeler que la définition juridique de la maltraitance des enfants a évolué, notamment grâce à la loi Taquet de février 2022. Cette loi établit que la maltraitance concerne toute atteinte aux droits et à la santé d'une personne en situation de vulnérabilité, qu’elle soit ponctuelle ou durable. Cependant, cette reconnaissance législative n’efface pas les zones d’ombre, notamment lorsqu’il s’agit de différencier maltraitance et négligence.

Entre négligence matérielle, violences psychologiques, abus sexuels ou encore exposition aux violences conjugales, les enfants sont en effet confrontés à un continuum de situations préjudiciables à leur développement – qui sont autant de formes différentes de maltraitance, a rappelé Bénédicte Lavaud-Legendre chercheuse au CNRS (au Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale à l’université de Bordeaux), spécialiste de la prostitution des mineurs, qui a également mis en lumière les parcours chaotiques de certaines jeunes filles victimes de traite ou de prostitution, souvent liées à des agressions ou à des abus antérieurs.

Lyda Lannegrand, spécialiste du développement psychosocial des adolescents, a ajouté une perspective psychologique, rappelant que le bien-être des enfants repose sur trois besoins fondamentaux : le soutien à l’autonomie, le sentiment de compétence et le besoin de lien social. Ces besoins, lorsqu’ils sont ignorés ou entravés par des pratiques parentales ou institutionnelles inadéquates, peuvent gravement compromettre le développement des plus jeunes.

Un cadre juridique renforcé mais encore perfectible

Depuis la convention internationale des droits de l’enfant de 1989, et plus récemment avec la loi Taquet, l’enfant a le droit d’être entendu dans les décisions qui le concernent. Cependant, comme l’a rappelé Amira Maameri-Ulisse, ce droit reste souvent théorique. Les juges des enfants doivent déterminer si un enfant est en capacité de discernement - une évaluation subjective qui varie d’un•e magistrat•e à l’autre.

Pour elle, qui s'appuie sur 7 ans de recherches doctorales et sur une expérience personnelle (ayant été elle-même placée à l'aide sociale à l'enfance), la décision du juge ayant un impact sur toute la vie de l'enfant, il est crucial aujourd'hui de mettre les enfants au cœur des dispositifs de protection. Sa thèse, adaptée en bande dessinée, vise justement à sensibiliser et à outiller les jeunes pour qu’ils accèdent à leurs droits et deviennent des acteurs de leur propre protection.

Elle y explique notamment la manière dont un enfant peut être accompagné par un avocat ou un administrateur ad hoc, et comment il peut demander à s'entretenir avec un juge pour enfants. Le plus difficile, comme l'a rappelé Lyda Lannegrand, est lié au recueil de la parole de l'enfant, et à l'acquisition du discernement nécessaire pour porter sa parole.

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Les défis des acteurs de la protection

Les trois intervenantes ont également insisté sur les conditions de travail des nombreux acteurs impliqués dans la protection de l’enfance – juges, éducateurs, travailleurs sociaux, psychologues – qui souffrent souvent d’une surcharge de travail et d’un manque de coordination. La confiance entre l’enfant et les professionnels est essentielle pour recueillir une parole sincère et non biaisée, mais cette relation prend du temps à se construire, et le fonctionnement du cadre actuel ne permet pas toujours d'avoir ce temps précieux.

Certaines initiatives innovantes, comme l’utilisation de chiens d’assistance judiciaire au Québec, montrent qu’il est possible de créer des environnements moins intimidants pour les enfants victimes. En France, ces pratiques restent marginales. Amira Maameri-Ulisse appelle à une mobilisation accrue pour renforcer les moyens alloués à la protection des mineurs, en mettant notamment l’accent sur l’information et l’accompagnement des enfants dans leur parcours judiciaire.

 

Perspectives et propositions

La rencontre a mis en lumière plusieurs propositions pour améliorer la protection des mineurs :

  • Renforcer la formation des acteurs de terrain, afin d’uniformiser les pratiques et garantir une prise en charge adaptée.
  • Mieux coordonner les interventions des professionnels pour éviter les ruptures de parcours et les situations d’abandon.
  • Sensibiliser davantage les enfants à leurs droits, notamment par le biais de supports éducatifs accessibles, comme la bande dessinée d’Amira Maameri-Ulisse.
  • Soutenir psychologiquement les jeunes pour leur permettre de prendre conscience de leurs droits et se reconstruire après des expériences traumatiques.

Elle a aussi permis de rappeler la marche à suivre si vous assistez à une situation de maltraitance :

La voie administrative, via un signalement au conseil départemental : en détaillant factuellement les faits observés, cela déclenche une procédure pour information préoccupant, suivie par une enquête sociale des services de protection de l'enfance. 

Si des faits ont été commis ou que des choses ont été dites, et que le danger est avéré pour le mineur, il est préférable de passer par la voie judiciaire en contactant directement le juge des enfants

Le 119, numéro d'appel mis en place par les pouvoirs publics, dédié à la prévention et à la protection des enfants en danger ou en risque de l'être. 

Toutes ont rappelé que la protection des mineurs est une responsabilité collective qui nécessite des efforts concertés et des ressources accrues. Donner une voix aux enfants et reconnaître leur rôle en tant qu’acteurs de leur propre protection est un premier pas vers une société plus juste et bienveillante.