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Parasurf, une prothèse pour retrouver l’équilibre

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Porté par Geoffroy Moucheboeuf, praticien hospitalier et surfeur aguerri, avec le soutien de la Fondation Bordeaux Université, le projet Parasurf va permettre la création d’une prothèse de jambe adaptée aux sports de glisse et accessible au plus grand nombre.

Photo : Geoffroy Moucheboeuf a fabriqué un prototype en titane de la prothèse qu'il a imaginée pour faciliter la pratique du surf par les personnes ayant subi une amputation tibiale ou fémorale © Gautier Dufau
Geoffroy Moucheboeuf a fabriqué un prototype en titane de la prothèse qu'il a imaginée pour faciliter la pratique du surf par les personnes ayant subi une amputation tibiale ou fémorale © Gautier Dufau

Au printemps dernier, on l’a vu tout sourire portant fièrement la flamme olympique dans les rues de Bordeaux. Le blanc de sa tenue rappelait celle de la blouse qu’il endosse au quotidien dans le service de réanimation chirurgicale et neurologique du CHU de Bordeaux. Le visage rayonnant du jeune médecin, sa joie contagieuse faisaient presque oublier la prothèse qu’il porte à la jambe gauche depuis un accident survenu en mars 2020, alors que l’épidémie de Covid s’abattait sur le monde. Percuté par une voiture sur le bord de la route, Geoffroy Moucheboeuf est d’abord hospitalisé en Italie, où il se rendait en vacances, puis au CHU de Bordeaux où il est ensuite rapatrié. C’est dans l’atmosphère incertaine des mois suivants, et alors que sa femme s’apprête à mettre au monde leur premier enfant, que Geoffroy doit se reconstruire, le médecin devenant patient et découvrant sa nouvelle réalité après l’amputation de sa jambe.

« Mon bagage professionnel et scientifique m’a certainement permis d’affronter cette tragédie plus facilement que d’autres », raconte aujourd’hui Geoffroy, sans minimiser le traumatisme ressenti par lui et ses proches. « J’ai été très bien entouré, ce qui est essentiel dans ce type de situation, et j’ai pu me lancer rapidement dans la rééducation puis dans la recherche de solutions pour reprendre des activités de ma vie d’avant. » Geoffroy est un grand sportif, passionné de surf qu’il pratique depuis l’âge de 6 ans sur les vagues de Soulac et de Lège-Cap-Ferret.

Se remettre rapidement dans le bain

« En réanimation, quand j’ai vu l’état de ma jambe, je me suis tout de suite renseigné sur les possibilités de faire du surf après une amputation, et je n’ai quasiment rien trouvé, à part le témoignage d’Éric Dargent que j’ai rapidement contacté et rencontré. Il m’a prêté sa prothèse, censée convenir à différents sports de glisse, mais je l’ai trouvée assez inadaptée. Nous avons commencé avec mon orthoprothésiste à imaginer les améliorations qu’il faudrait apporter aux prothèses existantes pour qu’elles répondent au cahier des charges de ce sport : permettre une bonne flexion sur la planche (triple flexion hanche-genou-cheville) mais aussi la marche dans le sable (quand les courants nous déportent et qu’on doit regagner le spot par la plage) ; et résister aux conditions corrosives et abrasives de l’eau de mer et du sable. »

L’idée initiale est de fabriquer une prothèse avec des systèmes déjà disponibles sur le marché - plus simple et moins coûteux que d’en créer une nouvelle. Mais l’existant s’avère vite insuffisant, aussi Geoffroy décide-t-il de contacter un ancien réseau d’ingénieurs rencontrés au cours de sa formation. « Pendant mon clinicat, j’avais entamé une thèse de sciences sur la création d’un exosquelette pour la rééducation à la marche après un AVC, avec la collaboration d’étudiants des Arts et Métiers (ENSAM). C’est ce réseau que j’ai d’abord réactivé, puis j’ai eu le soutien d’Anita Catapano, de l’Institut de mécanique et d’ingénierie de Bordeaux (I2M), qui a embarqué ses étudiants. »

Une prothèse peu coûteuse et polyvalente

Après les premières expérimentations et la phase de prématuration accompagnée par l’université de Bordeaux, vient le temps de la concrétisation du projet Parasurf, soutenu par différents mécènes à travers la Fondation Bordeaux Université. C’est le professeur Henri Blanc, ingénieur devenu entrepreneur après 25 ans d’enseignement, qui est choisi pour développer la prothèse avec sa startup OrthoProsecure. « Il avait déjà créé une prothèse de marche, et il pratique les sports de glisse, on a tout de suite accroché ! », sourit Geoffroy, qui décrit les prochaines étapes : finalisation des dessins, usinage - d’abord en aluminium, puis en titane -, tests. La prothèse sera polyvalente, adaptée aussi bien aux personnes amputées tibiales que fémorales. « L’idée est de fabriquer une prothèse à un coût raisonnable, accessible au plus grand nombre, et de mettre des prototypes à disposition dans la région pour les personnes qui voudraient l’essayer. »

S’avouant « un peu hyperactif » et surtout « très impatient », Geoffroy utilise depuis un moment déjà un prototype en titane qu’il a façonné lui-même, « en attendant ». Sur les vagues, il a constaté qu’une fois la surprise passée, les autres surfeurs ne lui font pas plus de cadeau qu’à un autre, et il s’en réjouit. « Dans l’eau, je ne ressens pas mon handicap, c’est totalement différent de la terre ferme. Il n’y a pas d’escaliers, pas d’obstacles, juste un équilibre à trouver. » Bien trouvé en l’occurrence pour ce champion de para surf, actuel cinquième mondial de la discipline, qui envisage à présent de « ralentir un peu » le rythme des compétitions. L’an prochain, Geoffroy portera la prothèse qu’il a imaginée et permettra à de nombreuses autres personnes de retrouver, ou de découvrir, la pratique d’un sport qui rend visiblement heureux.

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    Le programme Prématuration de l’université de Bordeaux identifie, au sein des laboratoires, les résultats de recherche présentant un potentiel d'innovation pour accompagner les porteurs dans l’élaboration d’un plan de développement.