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Les sciences archéologiques en interface

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L’histoire humaine et son évolution sont au cœur du 4e épisode de la série consacrée aux départements de recherche de l’université. Tour d’horizon avec son équipe de direction, Solange Rigaud et Stéphane Rottier.

Photo : Solange Rigaud et Stéphane Rottier, responsables du département en sciences archéologiques © Gautier Dufau - université de Bordeaux
Solange Rigaud et Stéphane Rottier, responsables du département en sciences archéologiques © Gautier Dufau - université de Bordeaux

Utiliser la géologie pour comprendre comment des milliers d’années ont modifié les sites archéologiques au fil du temps. Dégager centimètre par centimètre les sédiments à la recherche des vestiges à l’aide d’un simple pinceau et enfin utiliser les outils les plus pointus en chimie et biologie moléculaire pour les analyser. Fouiller au cœur du Périgord, dans la vallée de la Vézère, mais aussi aux quatre coins du globe, de l’Italie à l’Afrique du Sud en passant par la Chine ou la Mongolie. Étudier tour à tour des grottes ornées préhistoriques, les pratiques mortuaires à l’époque de l’âge du Fer ou encore les corps issus de champs de bataille napoléoniens. Comprendre la longue histoire des lignées humaines, l’origine du langage et même la construction architecturale médiévale de la cathédrale Notre-Dame. Les sciences archéologiques à l’université de Bordeaux sont à la croisée de lieux, de temps, de méthodologies
« Le département regroupe une communauté d’environ 300 chercheurs qui travaillent sur l’archéologie préhistorique et historique ainsi que sur l’évolution biologique humaine et qui se structure autour de trois laboratoires », précise Solange Rigaud, chercheuse CNRS et directrice du département, secondée par Stéphane Rottier, enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux. « Nous avons une approche sur l’évolution culturelle et biologique humaine très naturaliste dans le sens où nous nous intéressons aux contextes environnementaux et climatiques dans lesquels elle s’inscrit ».

Site archéologique mérovingien de Saint Martin de Bruch (Lot-et-Garonne) © Dominique Castex - PACEA
Site archéologique mérovingien de Saint Martin de Bruch (Lot-et-Garonne) © Dominique Castex - PACEA

Les sciences archéologiques ont la spécificité d’être aussi à l’interface entre les sciences dites dures, de par des études environnementales, biologiques, chimiques… et les sciences humaines et sociales (SHS), avec l’étude des populations, leurs productions culturelles dont les pratiques funéraires, leur organisation sociale, économique etc. Ce qui en fait un des départements de recherche de l’établissement très lié à l’université Bordeaux Montaigne avec des structures de recherche des deux universités réunies au sein du département qui « sont complémentaires et permettent de couvrir tous les champs disciplinaires de l’archéologie, des populations les plus anciennes à l’histoire la plus récente » explique Stéphane Rottier.

Des avancées technologiques importantes

L’histoire évolutive, culturelle et symbolique des populations du passé en relation avec les changements environnementaux depuis l’origine du genre Homo jusqu’à des périodes très récentes, c’est le domaine du laboratoire PACEA2. Le laboratoire Ausonius3, quant à lui, s’intéresse à l’étude des espaces, des sociétés et des cultures depuis la Protohistoire européenne (qui débute avec l’âge du Bronze) jusqu’à la fin du Moyen Âge. Enfin le troisième laboratoire Archéosciences Bordeaux4 éclaire toute la partie chronologie avec un volet datation important, l’archéométrie, ainsi qu’une spécialisation dans l’imagerie 3D à travers la plateforme Archéovision.

Les collaborations entre les deux communautés universitaires existent depuis toujours mais se sont amplifiées depuis une quinzaine d’années autour du Labex Sciences archéologiques de Bordeaux (Lascarbx) puis du Grand programme de recherche (GPR) de l’université, Human Past.

Le département Sciences Archéologiques travaille également avec d’autres départements de l’université. « Nous avons une recherche très en lien avec la médecine par exemple, cite la directrice, concernant la santé des populations passées, avec le CHU pour le côté dentaire. Nous avons des collaborations avec Bordeaux Neurocampus pour l’étude de l’évolution du cerveau, avec le département Sciences de l’environnement concernant de la modélisation en écologie ou encore avec le département Sciences de l’ingénieur et du numérique pour accéder à des outils d’intelligence artificielle qui nous permettent de traiter des jeux de données de grande envergure, de faire de l’analyse de reconnaissance d’images. »

Butte d'argile sur une plage du site de La lède du Gurp, sur la côte nord médocaine en Gironde, riche de patrimoine archéologique © Nathalie Prévôt - Ausonius
Butte d'argile sur une plage du site de La lède du Gurp, sur la côte nord médocaine en Gironde, riche de patrimoine archéologique © Nathalie Prévôt - Ausonius

L’utilisation des outils informatiques et numériques n’est pas nouvelle mais elle est grandissante. « Il y a un boom méthodologique à ce niveau là et on suit cette évolution » pour Stéphane Rottier.
L’autre révolution technologique qui a marqué le domaine de l’archéologie ces dernières années concerne les avancées biologiques et biochimiques. « Le développement des analyses moléculaires et génétiques, la microscopie à haute résolution comme la microscopie confocale deviennent une source d’information et de compréhension très importante concernant les vestiges osseux », expose Solange Rigaud. « On peut accéder à des choses qu’on imaginait à peine, comme les liens de parenté entre les individus » poursuit le directeur-adjoint du département évoquant les analyses paléogénomiques récentes réalisées sur les individus un site funéraire néolithique du Bassin parisien, datant de 6 700 ans, qui ont permis de reconstruire les arbres généalogiques de deux familles sur 5 et 7 générations. Et d’observer que les ossements du « père fondateur » du cimetière, dont la majorité des membres masculins sont les descendants, avaient été déplacés depuis un autre site et réinhumés. Le terrain « reste le cœur du travail », concèdent-ils, avec des méthodologies de fouilles qui sont reconnues. Mais ces avancées technologiques permettent d’aller plus loin et parfois de corriger des erreurs d’interprétation passées. Les collaborations récentes avec l’équipe de la plateforme Protéome de la chimiste Caroline Tokarski, qui étudie les protéines des vestiges organiques, peuvent aider à identifier par exemple des protéines du tarte dentaires des populations passées pour en comprendre la diète ou même leur état de santé.

Rail pour caméra hyperspectrale à la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson © Cyril Fressillon / Archéosciences Bordeaux / CNRS Image
Rail pour caméra hyperspectrale à la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson © Cyril Fressillon / Archéosciences Bordeaux / CNRS Image

Une richesse patrimoniale régionale

La diversité technologique proposée sur le campus bordelais avec les différentes plateformes et unités de recherche est « assez unique » pour Solange Rigaud et Stéphane Rottier et permet aux sciences archéologiques bordelaises de rayonner voire d’attirer de nouveaux chercheurs. « Toutes les instances nationales nous connaissent bien et nous fouillons sur énormément de terrains à l’étranger et en France ».
Malheureusement le contexte géopolitique actuel empêche certaines de ces collaborations, par exemple, en Azerbaïdjan, au Soudan, en Syrie ou encore en Éthiopie. « A cette échelle l’archéologie ne se fait pas dans l’urgence. C’est une résilience à laquelle on s’est habitué » souligne la directrice du département de recherche, qui accueille des chercheurs de toutes nationalités d’Europe et plus loin (ukrainienne, turque, chinoise, russe, péruvienne….). Ouverte à l’international, la communauté scientifique archéologique bordelaise reste très ancrée dans le patrimoine régional avec notamment la Dordogne, « berceau des études préhistoriques, site des chasseurs-cueilleurs et des grottes ornées ». C’est une richesse pour les chercheurs d’avoir accès assez facilement à ces terrains. Un des projets en cours concerne d’ailleurs l’étude de pépins de raisin découverts dans un pressoir d’un site antique du centre-ville de Bordeaux conservé au Musée d’Aquitaine datant du 1er ou 2e siècle. Ce projet transversal, mené avec l’Institut des sciences des vignes et du vin (ISVV) de l’université, permettra d’en apprendre plus sur la culture de la vigne de l’époque. Le département participe également à une dynamique de recherche autour de l’eau, et par exemple l’histoire de la Garonne et de ses paysages il y a 40 000 ans.

Des projets riches que les chercheurs n’hésitent pas à partager au plus grand nombre, avec une communication grand public importante. « Nos recherches sont assez reprises dans les médias, cela n’arrive pas tout seul. Nous nous sommes forcés à vulgariser depuis 15 ans et on a appris. C’était indispensable parce que nous sommes directement confrontés au public sur les terrains de fouille, explicite Solange Rigaud. Cela a, d’ailleurs, participé à la cohésion de la communauté ».

Une cohésion renforcée et facilitée également par la création du département de recherche, notamment sur le plan administratif, qui permet de se réunir autour de nouveaux projets de recherche et de fluidifier les interactions concluent les deux chercheurs.

Gravures pariétales dans la grotte ornée de Cussac en Dordogne © V. Feruglio et C. Bourdier / ministère de la Culture
Gravures pariétales dans la grotte ornée de Cussac en Dordogne © V. Feruglio et C. Bourdier / ministère de la Culture

1 de la Préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie (unité CNRS, ministère de la Culture et université de Bordeaux)
2Institut de recherche Antiquité et Moyen Age (unité CNRS, ministère de la Culture et Université Bordeaux Montaigne)
3unité CNRS et Université Bordeaux Montaigne 

Contacts

  • Delphine Charles

    Chargée de communication scientifique

    delphine.charles%40u-bordeaux.fr

  • Mélina Abdou

    Chargée d'animation scientifique en appui au département Sciences archéologiques

    melina.abdou%40u-bordeaux.fr

  • Sciences archéologiques

    Consulter la page du département de recherche sur le site de l'université

Site du département Sciences archéologiques

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