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[Podcast] Feux de forêts : l’(in)évitable embrasement ?

Mise à jour le :

Avec le changement climatique, la belle saison devient saison des feux : plus fréquents, plus virulents, ils constituent un nouveau défi à l’étranger, mais aussi en France. Le 14 mai 2024, les Rencards du savoir revenaient sur les incendies de l’été 2022 et questionnaient la gestion de la forêt des Landes.

Photo : En Gironde, en 2022, plus de 30 000 hectares de forêt ont été détruits par les incendies. © Bernard Rablade
En Gironde, en 2022, plus de 30 000 hectares de forêt ont été détruits par les incendies. © Bernard Rablade

En 2023, la Gironde a été relativement épargnée par les feux de forêts. Mais les incendies de 2022 restent dans les mémoires et le massif des Landes de Gascogne en porte encore les stigmates. Début 2024, des panaches de fumée s’échappaient du sous-sol à Hostens où le lignite, une roche sédimentaire, continue même de se consumer. Alors que pour cet été Météo France annonce « un scénario plus chaud que la normale », les acteurs de la forêt se préparent. De la sensibilisation des usagers au choix des essences à replanter, gérer ce risque grandissant demande d’agir à différents niveaux et pose d’épineuses questions.

Le 14 mai dernier, à la bibliothèque Mériadeck, un café-débat des Rencards du savoir abordait le sujet avec Christine Bouisset, maîtresse de conférences en géographie à l'université de Pau et des Pays de l'Adour, Alexis Ducousso, chargé de mission INRAE au laboratoire Biodiversité, gènes et communauté (Biogeco - unité INRAE et université de Bordeaux) et responsable scientifique du Réseau mixte technologique pour l’Adaptation des forêts au changement climatique (RMT AFORCE) ainsi que Bernard Rablade, élu municipal et président de la Défense de forêts contre l'incendie (DFCI) de Belin-Beliet.

Parcelle Lauga et rive de l'étang de Cazaux dans la forêt usagère de La Teste de Buch après l'incendie de juillet 2022 © JohnNewton8
Parcelle Lauga et rive de l'étang de Cazaux dans la forêt usagère de La Teste de Buch après l'incendie de juillet 2022 © JohnNewton8

Renaître de ses cendres

Calcinée, mais bientôt reconstituée : la forêt des Landes de Gascogne appartient à plus de 60 000 propriétaires privés qui ont obligation de donner à leurs terrains une « destination forestière ». Certains ont déjà commencé à replanter, comme Bernard Rablade qui, lui-même sylviculteur, a vu en 2022 un tiers de ses parcelles partir en fumée. Après la tempête Klaus, il s’y remet encore une fois, quitte à ne pas voir le fruit de son travail : « La forêt pousse lentement, il ne faut pas être pressé ! Pour amener le pin maritime à maturité et produire du bois d’œuvre, il faut compter 40 voire 50 ans », explique-t-il.

Les propriétaires peuvent également faire le choix de laisser les arbustes, puis les arbres, s’installer d’eux-mêmes. Reste que sur le plateau landais la régénération naturelle y est difficile, le sol très modifié par la monoculture de pins ne facilitant pas le développement de la trentaine d’essences y étant pourtant naturellement présentes. Et le changement climatique n’aide pas la forêt à se reconstituer : « Dans les dunes, la régénération naturelle se fait de moins en moins bien du fait des sécheresses estivales, observe ainsi Alexis Ducousso. Une situation qui n'est pas isolée, à l’image de la forêt de Compiègne dans les Hauts-de-France ».

Faire le plein d’essences

La question de savoir quels arbres replanter ou laisser se développer est par ailleurs source de vifs débats. Bien qu’il soit parfois qualifié de « torche » ou d’« allume-feu », le pin maritime reste particulièrement adapté au massif landais et occupe une place centrale dans la production de bois en France. S’il est difficile d’imaginer faire sans lui dans un avenir proche, il est un mot d’ordre de plus en plus partagé : il faut « faire le plein d’essences ». Comprendre : diversifier les peuplements avec des feuillus - en particulier des chênes - afin de favoriser la biodiversité, mais également car ils brûlent moins vite que les résineux. Une évolution souhaitable, « mais pas une solution miracle face au risque incendie », nuance Christine Bouisset. « Quand on est dans des conditions météorologiques extrêmes, comme celles que nous avons connues en 2022 et que nous allons sûrement revoir, tout finit par brûler. » Pinède, comme chênaie.
Il ne s’agit pas, pour autant, d’être défaitiste. Si, avec le changement climatique, les étés se feront de plus en plus secs et chauds, « cela ne signifie pas que, mécaniquement, il y aura plus d’incendies », tempère la géographe. À l’inverse des tempêtes, autres bêtes noires des forestiers, ils constituent « un risque sur lequel nous avons une capacité d’action déterminante », appuie-t-elle. Plus de neuf feux de forêt sur dix sont d’origine humaine - 96 % en Aquitaine selon la DFCI. Limiter l’embrasement est donc avant tout affaire de sensibilisation et de régulation.

Prévenir et contenir l’incendie


« La culture du feu s’est perdue », estime Bernard Rablade. Il déplore un manque de considération du risque, comme l’ont montré les incendies de Landiras et de la Teste-de-Buch, pointant par exemple un manque d’entretien des pare-feux (bandes enherbées scindant les pinèdes). Alexis Ducousso évoque pour sa part les ripisylves, ces forêts bordant les cours d’eau et brûlant difficilement, elles aussi négligées voire transformées en pinèdes. « Si celle du Tursan à Landiras avait été conservée en bon état comme il y a trente ans, nous aurions eu un incendie de 600 ou 700 Ha seulement », juge-t-il (et non de 21 000 Ha).
Les intervenants évoquent également l'obligation de débroussaillement des propriétés jouxtant la forêt, encore trop souvent ignorée, la surveillance du massif lorsque les conditions sont propices aux incendies ou encore la souscription des sylviculteurs à des assurances. Autant de façons d’anticiper le risque, à (re)découvrir, avec l’ensemble des échanges, en podcast.

Par Yoann Frontout, journaliste scientifique et animateur des Rencards du savoir

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