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Du numérique pour réduire l’expérimentation animale

Mise à jour le :

Une équipe de recherche en neuro-imagerie vient d’obtenir un financement pour développer un jumeau numérique qui devrait permettre une réduction significative du recours à l’expérimentation animale dans la recherche en neurosciences. Sylvain Miraux, le directeur des unités en charge de ce projet, explique plus en détail ce programme.

Photo : Visualisation d'une imagerie cérébrale de souris sur l'IRM 7T de la plateforme d'imagerie biomédicale © Gautier Dufau
Visualisation d'une imagerie cérébrale de souris sur l'IRM 7T de la plateforme d'imagerie biomédicale © Gautier Dufau

Remplacer, réduire, raffiner. Ce sont les trois maîtres mots du principe des 3R, qui définit les lignes conductrices pour une approche éthique de l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques. Remplacer d’abord, grâce à des méthodes expérimentales de substitution. Réduire ensuite, en limitant le nombre d’animaux utilisés pour un même objectif. Raffiner enfin, en assurant et renforçant leur bien-être grâce à l’optimisation des procédures, des pratiques d’élevage ou de soin.

La référence nationale de la démarche, le centre français des 3R (FC3R), vient d’attribuer un financement au projet porté par deux unités du département Sciences et technologies pour la santé (STS) : le Centre de résonance magnétique des systèmes biologiques (CRMSB)* et la plateforme d’imagerie biomédicale (pIBIO)*. Le projet est également en partenariat avec une unité du département Bordeaux Neurocampus : le Groupe d’imagerie neurofonctionnelle (GIN) de l'Institut des maladies neurodégénératives (IMN)*.
« L’objectif est de mettre à disposition de l’ensemble de la communauté de recherche un outil informatique permettant de générer des imageries identiques à celles qui pourraient être obtenues si un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) était réalisé. » explique Sylvain Miraux, le directeur du CRMSB et de pIBIO. Dans le cadre d’expérimentations de recherche en neurosciences, ces IRM, parfois réalisées sur des souris, permettent de mieux comprendre l’impact de pathologies telles que les troubles autistiques ou les maladies dégénératives sur le fonctionnement du cerveau. « Notre travail, consiste à améliorer la technique d’IRM en développant des instruments et méthodes d’acquisition d’image » précise Sylvain Miraux, physicien de spécialité au CNRS.

Qu’est-ce qu’une IRM ?

Une imagerie par résonance magnétique (IRM) est un examen de radiologie. Les protons des atomes d’hydrogène de notre corps, composé à 70% de molécules d’eau, s’alignent en permanence avec le champ magnétique. L’appareil d’IRM, grâce à un gros aimant, diffuse son propre champ magnétique. Lorsqu’un corps entre dans le tunnel du dispositif, ces mêmes protons vont s’aligner avec ce fort champ magnétique. Une fois l’état d’équilibre atteint, des antennes accordées à la bonne fréquence vont alors venir perturber le système afin de le faire entrer en résonance. C’est le retour à l’équilibre des protons, déclenché par cette perturbation, qui est mesuré. Selon la composition des différents tissus, les paramètres de ce retour à l’équilibre vont être différents. C’est la retranscription de ces écarts qui permet de visualiser dans l’espace les différentes sous-structures d’un organe.

Couramment utilisée en milieu hospitalier pour de l’imagerie « anatomique », une utilisation semblable à celle d’un scanner, l’IRM présente de nombreux avantages. Tout d’abord, il s’agit d’une technique non invasive : cela signifie qu’aucune limitation d’exposition n’est préconisée, contrairement à d’autres types d’examen. De plus, l’IRM offre une visualisation dans l’espace en trois dimensions avec une résolution relativement élevée, ce qui permet une lecture plus complète et précise pour le diagnostic. Dans la recherche en neurosciences, l’IRM anatomique est utilisée pour observer le réseau de fibres permettant les connexions cérébrales et la composition des tissus du cerveau. Un autre usage de l’IRM, plus spécifique à la recherche, est l’imagerie dite fonctionnelle. Grâce à une capture d’images en temps réel du cerveau en fonctionnement, cette technique permet de mesurer l’activité cérébrale dans différentes régions du cerveau. L’identification de l’ensemble de ces communications, combinée à des outils d’analyse quantitatifs, permet aux chercheurs d’étudier les connexions neuronales, aussi appelée connectomique.

Imagerie d'un cerveau de souris © CRMSB
Imagerie d'un cerveau de souris © CRMSB

Un exemple de science ouverte

Ce type de protocole de recherche consiste à réaliser le suivi de deux groupes d’individus via des acquisitions IRM, un premier groupe test au sein duquel la pathologie peut être inoculée, et un second groupe témoin caractérisé par l’absence de celle-ci. L’observation et l’analyse comparée de l’anatomie et du fonctionnement du cerveau des individus de ces deux groupes au cours de leur vie et la mise en exergue des éventuelles différences permettent de déterminer l’influence de la maladie. Le projet baptisé sIRMaqc, pour standardisation de l’IRM anatomique et quantitative pour la connectomique, vise à réduire ces manipulations d’animaux. « Au lieu d’avoir à réaliser de nouveau les imageries du groupe témoin pour valider les résultats du protocole, les personnels de recherche disposeront d’un jumeau numérique alimenté par une base de données commune à plusieurs unités de recherche. Ainsi, elles seront générées informatiquement grâce à un modèle qui s’appuie sur un nombre limité d’acquisitions. »

Qu’est-ce qu’un jumeau numérique ?

Un jumeau numérique est un modèle virtuel d’un objet physique : il reconstitue les mêmes caractéristiques. Dans le cas des réalisations d’IRM en neurosciences, il suffit de saisir les propriétés techniques des équipements du dispositif d’imagerie afin de générer informatiquement des résultats presque identiques à ceux obtenus avec une manipulation physique.

Réalisation d'une acquisition d'imagerie cérébrale d'une souris sur l'IRM 7T de la plateforme d'imagerie biomédicale © Gautier Dufau
Réalisation d'une acquisition d'imagerie cérébrale d'une souris sur l'IRM 7T de la plateforme d'imagerie biomédicale © Gautier Dufau

Afin de pleinement remplir leur mission et de s’inscrire dans une démarche de science ouverte, essentielle aux 3R, les résultats doivent être exploitables par l’ensemble des laboratoires de recherche.
Pour cela, la première étape du développement consiste à mettre en place une stratégie d’uniformisation et de standardisation des acquisitions et de traitement des données IRM. « C’est quelque chose qui est déjà bien en place sur les protocoles de recherche sur les humains, notamment grâce aux constructeurs d’équipement et aux nombreux laboratoires de recherche en neuro-imagerie qui proposent des solutions clé en main et standardisées. » Dans le domaine du petit animal, du fait de la variabilité importante des protocoles et des équipements, la tâche est plus complexe. « Le souhait est de répondre à une volonté ancienne de mise en commun des pratiques et des résultats sans pour autant disposer de solutions jusqu’à maintenant » reconnaît le directeur du CRMSB.

Le logiciel sera notamment développé en open source et diffusé à l’ensemble de la communauté nationale de recherche, au sein de laquelle le CRMSB a noué de nombreux partenariats.

Un cadre éthique et des règles

Depuis la mise en place de la réglementation en 2013 relative à l'utilisation des animaux à des fins scientifiques, une forte évolution des démarches et pratiques d’expérimentation a déjà pris place au sein des unités de recherche. « Aujourd’hui, nos personnels sont obligatoirement formés sur ces thématiques. Ils ont l’habitude de travailler main dans la main avec, d’une part, le comité d’éthique de l’université qui doit valider le protocole de chaque manipulation, et d’autre part, avec les vétérinaires de l’université afin d’offrir aux animaux le meilleur cadre possible. » Un cadre éthique et réglementaire qui conditionne l’existence même de ce projet, financé à hauteur de 50 000€. « Il est notamment rendu possible grâce à la récente acquisition de capteurs plus sensibles permettant une réduction du temps passé dans la machine d’IRM tout en obtenant des images avec une résolution suffisante pour être utilisées comme images de référence. Auparavant, la commission d’éthique n’aurait pas validé le protocole nécessaire à ce résultat » conclut Sylvain Miraux, en charge désormais de composer l’équipe qui va œuvrer ces deux prochaines années.

*unité CNRS et université de Bordeaux

  • [Pour en savoir plus] Recours aux animaux dans la recherche et la formation

    L’université de Bordeaux est extrêmement active dans la recherche scientifique en biologie et en santé, dont les progrès ont permis d’améliorer la compréhension et la prévention des maladies, le soin et la prise en charge des patients. Dans ces domaines, le recours aux animaux est possible, de manière limitée et encadrée, s’il n’existe pas de méthode alternative.

  • Sylvain Miraux

    Directeur de recherche CNRS
    Directeur du Centre de résonance magnétique des systèmes biologiques (CRMSB) et de la plateforme d’imagerie biomédicale (pIBIO)

    sylvain.miraux%40rmsb.u-bordeaux.fr

  • Théophile MASSAT

    Stagiaire éditorial scientifique
    Direction de la communication

    theophile.massat%40u-bordeaux.fr